Son fils sur les genoux, la Vierge Marie est représentée trônant sur un siège, piétinant le serpent, symbole du mal, de son pied gauche. Cette sculpture en bois polychromé, c’est-à-dire peinte, a été sauvée d’une église détruite pendant la Première Guerre mondiale. Elle a subi de nombreuses dégradations depuis sa création au XIVe siècle. L’Enfant a ainsi perdu sa tête et ses bras, et la Vierge son bras droit. Elle était en mauvais état de conservation (fig. 1) : bois vermoulu, poussière au niveau du socle, peinture écaillée laissant le bois largement nu. Ces zones de lacune permettent de deviner par endroits des couches de peinture plus anciennes, montrant que la sculpture a été repeinte à de multiples reprises, une pratique qui était autrefois très courante pour que l’oeuvre reste présentable.
Aujourd’hui, on ne repeint plus les sculptures mais on les restaure pour pouvoir les transmettre aux générations futures en conservant les traces de leur histoire. Pour cette Vierge à l’Enfant, il était nécessaire de commencer par une étude en réalisant un dossier d’imagerie scientifique qui comprend des photographies en lumière naturelle et sous lumière ultraviolette (fig. 2), mais aussi des radiographies (fig. 3). La polychromie de la sculpture a aussi été examinée avec un microscope pour tenter de reconstituer les différentes mises en couleurs qu’elle a connues au fil des siècles. Au total on estime qu’elle a été repeinte à dix reprises !

Illustration 1 : La Vierge à l’Enfant avant sa restauration
Avant restauration, la Vierge à l’Enfant était en mauvais état de conservation. Elle est très sale : de la poussière est présente au niveau de son socle. Des pièces du trône ont également disparues, qui ont été refaites par la suite. Le bois est attaqué par des insectes xylophages ce qui est visible aux trous d’envols, notamment sur le corps de l’Enfant.
La peinture s’écaille et laisse le bois largement nu, comme sur le visage de Marie. Les zones de peinture écaillée permettent aussi de deviner par endroit des couches de peinture plus anciennes.
La restauration de l’œuvre, confié à une restauratrice spécialisée en sculpture, a consisté à consolider le bois très fragile. Un consolidant a été injecté à la seringue dans les trous et galeries d’insectes. Les différentes pièces de bois récentes en mauvais état ont été retirées. Une semelle sur mesure à base de résine a été confectionnée pour stabiliser la sculpture au niveau de sa base. Par ailleurs, la polychromie, qui s’écaillait et était très sale, a gagné en adhérence grâce à l‘application d’un produit de refixage. La peinture et le bois à nu ont ensuite été méticuleusement nettoyés au moyen de cotons tiges imbibés d’une solution nettoyante. Pour terminer la restauration, des touches de couleurs ont été appliquées de manière limitée avec de l’aquarelle. En effet, le but n’est pas de repeindre la sculpture mais, par quelques points de couleur, de renforcer l’harmonie colorée d’ensemble. La restauration de cette Vierge à l’Enfant nous permet ainsi de mieux la connaître et de redécouvrir sa beauté plastique.


Illustration 2 : Photographie de la Vierge à l’Enfant sous lumière ultraviolette
Le laboratoire du Centre de recherche et de restauration des musées de France où la Vierge à l’Enfant a été restaurée a réalisé un dossier d’imagerie scientifique complet qui comprend des photographies en lumière naturelle, mais aussi des photographies où l’œuvre est placée sous une lumière ultraviolette. Sous cette lumière, la sculpture fluoresce en jaune-vert, ce qui confirme l’application d’une couche de vernis sur la polychromie. La simple lumière permet ainsi de faire une analyse scientifique.
Illustration 3 : Radiographie de la sculpture
L’imagerie scientifique consiste aussi à radiographier la sculpture. On peut ainsi pénétrer dans la matière et avoir une idée de ce qu’elle contient. Comme pour l’homme, les zones qui apparaissent claires sur l’image obtenue sont les plus denses, alors que les plus sombres correspondent à celles où il y a peu de matière. Les nombreux clous qui ont été insérés à la base de la sculpture apparaissent ainsi en blanc car ils sont en métal, une matière beaucoup plus dense que le bois. La présence de clous forgés, donc anciens, et de clous usinés, donc plus récents, permet de conclure que la base a été réparée aux moins à deux reprises.

Illustration 4 : La Vierge à l’Enfant après restauration
La restauration a permis de retrouver une harmonie colorée suite au nettoyage de la sculpture. Les zones de lacunes, c’est-à-dire celles où la polychromie est absente, laissant apparaître le bois, n’ont pas été repeintes car elles témoignent de l’état dans lequel la sculpture nous est parvenue. La base de l’œuvre a été débarrassée des planchettes modernes vermoules. Une semelle, peinte dans la même couleur que le bois, a été collée sous la sculpture pour lui permettre de tenir debout correctement. Enfin, l’œuvre a été placée sur une planchette, ce qui facilite les manipulations.
Texte : Alexandra Gérard, conservateur en chef du patrimoine, Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), Paris.
Responsable scientifique de l’œuvre : Philippe Gayot, Communauté d’agglomération de La porte du Hainaut, Wallers-Arenberg
Suivi de l’intervention : Alexandra Gérard
Imagerie scientifique : Alexis Komenda et Philippe Salinson, Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF), Paris.
Etude préalable et restauration : Marta Garcia-Darowska, restauratrice de sculpture.