Lorsqu’il s’agit de représenter la Science, les artistes utilisent classiquement plusieurs allégories. Au XIXe et au XXe siècle, les peintres figuratifs représentent la Science comme une jeune femme. Dans L’Apothéose des grands hommes s’étant distingués dans la Minéralogie et la Géologie (1856), Abel de Pujol (1785-1861) choisit de la représenter couronnant les géologues. Ceux-ci sont identifiés par un certain nombre d’attributs : le fossile désigne le paléontologue Cuvier, le marteau identifie le géologue Brongniart, enfin, les livres et l’épée permettent de distinguer le comte de Buffon.

La scène représente une femme vêtue à l’antique, qui en dévoile une autre. Les ruines d’une colonne ionique à gauche et d’un temple à droite, peut-être le Parthénon, les environnent. La médaille élève l’archéologie du XIXe siècle au rang de science à part entière qui révèle les secrets enfouis de l’Antiquité. La création de cette médaille est peut-être à mettre en relation avec la fouille et la redécouverte des sites grecs de Delphes et de Délos par l’Ecole française d’Athènes à cette époque.
Frédéric Charles Victor de Vernon (1858-1912), La science moderne découvrant l’Antiquité, 3e quart du XIXe siècle, médaillon en bronze, D : 19,5 cm, Valenciennes, Musée des Beaux-Arts

Le tableau est l’esquisse d’une composition réalisée sur le plafond de l’escalier de l’école des Mines de Paris. Les traits des personnages sont à peine esquissés mais, pour quelques-uns, les attributs qui permettent de les identifier sont déjà présents. L’œuvre achevée montre de véritables portraits inspirés des gravures représentant ces personnages disparus parfois plus d’un siècle avant sa réalisation.
Alexandre Abel De Pujol (1785-1861), L’Apothéose des grands-hommes de la Géologie et de la Minéralogie, 1856, peinture à l’huile sur toile, H. 38,5 x L. 40,5 cm, Valenciennes, Musée des Beaux-arts. © RMN-Grand Palais / René-Gabriel Ojéda / Thierry Le Mage
Les distinctions actuelles entre sciences et arts ne sont pas pertinentes au moins jusqu’au XVIIe siècle. Ils sont enseignés ensemble dans le cadre des sept arts libéraux et notamment du « quadrivium », qui réunit Musique, Arithmétique, Géométrie et Astronomie. Ils bénéficient des mêmes protections divines : Apollon, dieu solaire de la poésie, de la musique et les 9 muses, ses compagnes. Dans les musées des Hauts-de-France, ces représentations se retrouvent par exemple au musée des Beaux-Arts d’Arras, où est conservé un dessin de Pierre Bergaigne (1652-1708) représentant Apollon jouant aux côtés d’Uranie, reconnaissable au télescope et au globe. Giovanni Baglione (1566-1643) les représente ensemble dans une série de 10 tableaux. On remarque en particulier Uranie, reconnaissable à sa couronne d’étoiles et à la sphère armillaire, qui préside à l’astronomie et à l’astrologie, Clio, muse de l’Histoire reconnaissable à la trompette de la renommée et aux livres des historiens, et Euterpe, entourée d’instruments, qui protège la musique. Ce sont les rapports mathématiques entre les fréquences de vibration des notes qui créent ces relations étroites entre la musique et les mathématiques.

Pierre Bergaigne (1652-1708), Apollon et Uranie, 2e moitié du XVIIIe siècle, dessins au lavis et à l’encre sur papier, H. 22,4 x L. 41,3 cm, Arras, Musée des Beaux-Arts



A gauche : Giovanni Baglione (1566-1643), Uranie, muse de l’Astronomie, peinture à l’huile sur toile, H. 195 x L. 150 cm, Arras, Musée des Beaux-arts. © ACMNPDC | Au centre : Giovanni Baglione (1566-1643), Clio, muse de l’Histoire et de la Poésie héroïque, peinture à l’huile sur toile, H. 195,4 x L. 149,5 cm, Arras, Musée des Beaux-arts. © ACMNPDC | A droite : Giovanni Baglione (1566-1643), Euterpe, muse de la Musique, peinture à l’huile sur toile, H. 195 x L. 150 cm, Arras, Musée des Beaux-arts. © ACMNPDC
Ces muses font partie d’un ensemble de 10 tableaux offerts en 1624 à Marie de Médicis (1575-1642), par son neveu le duc Ferdinand de Mantoue (1587-1626). Dans le cabinet des muses, ils participent à la décoration du Palais du Luxembourg, actuel siège du Sénat, que la reine-mère avait fait construire à partir de 1615. Le cadeau du duc à sa tante célébrait ses activités de mécène, protectrice des arts et des artistes. Saisis en 1789, les tableaux sont emportés d’abord au Louvre puis déposés au musée des beaux-arts d’Arras.
Si Apollon et ses muses sont associés aux sciences mathématiques « en général », les arts mécaniques, version appliquée des sciences, relèvent de la compétence d’Athéna, déesse guerrière de l’intelligence mise en pratique, comme ces deux œuvres le démontrent. Dans les deux cas, la déesse est associée à la transformation intelligente de la matière. C’est ce que montrent également les exemples suivants : dans le premier, elle se tient près de trois sidérurgistes accompagnée du dieu forgeron Héphaïstos ; dans le second, elle apparaît aux côtés d’un jeune travailleur qui reçoit ses conseils.

Lucien Jonas (1880-1947), La sidérurgie, v. 1935, dessin au fusain et au pastel sur papier, H. 63 x L. 48 cm, Denain, Musée d’archéologie et d’histoire locale. © Germain Hirselj / Communauté d’Agglomération de La Porte du Hainaut
Dans un encadrement antiquisant, trois sidérurgistes se tiennent devant un four à puddler. Le puddleur affine la fonte en acier à l’aide d’un ringard à crochet, le loucheur s’apprête à prélever des échantillons de métal en fusion, au travers de ses lunettes bleues, le troisième personnage estime la nuance de l’acier, c’est-à-dire sa teneur en carbone. Ces trois métiers sont placés sous la double tutelle du forgeron Héphaïstos et de la subtile Athéna. Le dessin est préparatoire à un des grands décors commandés par les industriels ou les autorités valenciennoises, Valenciennes étant surnommée l’Athènes du Nord au XIXe et au début du XXe siècle pour sa contribution à la science et aux arts.

Crispin de Passe (1564-1637), graveur, d’après Marten de Vos (1532-1603), Iuventus Labori, Les quatre âges de la vie pl. 2, 1596, gravure au burin sur papier, H. 17,2 x L. 22 cm (trait carré), 18,7 x 22 cm (feuille), Gravelines, Musée du dessin et de l’estampe originale. © Boucourt Franck / ACMHDF
Cette estampe est la seconde planche d’un ensemble intitulé « Les quatre âges de l’Homme ». La série représente l’adolescence dédiée aux amours, la plénitude de l’âge à la renommée, la vieillesse à la douleur et ici, la jeunesse au travail ; c’est d’ailleurs son titre. Chaque étape de la vie est associée une figure allégorique, ici Athéna Pallas, déesse de la science et de l’intelligence en action. Les 2 quatrains disent que la joie provient des seuls conseils de Pallas pour comprendre les vraies vertus et que l’étude, les travaux et les exercices du corps mènent à une renommée durable.
Philippe Gayot