Les musées d’archéologie se sont constitués à la faveur de l’engouement des antiquaires, ces « férus d’antiquités » et autres « scrutateurs d’antiques », collectionneurs et savants, qui dès le 16e siècle ont renouvelé le regard porté sur les monuments et objets des périodes antérieures, en mettant en avant les traces matérielles, même minimes, des cultures et civilisations passées. Leurs collections constituent le plus souvent les fonds anciens des musées actuels. Fins érudits, ils se basaient sur l’étude des textes anciens, mais n’hésitaient pas non plus à aller chercher par eux-mêmes les plus beaux objets, fouillant tumulus gaulois, tombes mérovingiennes et autres monuments antiques.
Progressivement, l’archéologie rompt avec ces premières pratiques et met au point ses propres méthodes scientifiques : fouilles méthodiques des sites, non seulement pour y découvrir des objets mais également pour y retrouver les structures en creux, les traces de fossés d’exploitations agricoles ou d’habitats, etc. Dessins, relevés topographiques et enregistrements minutieux des « faits » et « mobilier » sont désormais la base de toute recherche sérieuse. Pour asseoir sa méthodologie et faire parler les indices parfois ténus des artefacts mis au jour, l’archéologie s’est appuyée sur des apports provenant de « sciences exactes » afin de mieux comprendre ses découvertes. Ainsi, l’utilisation de procédés de datation à partir d’éléments chimiques contenus dans les objets et prélèvements retrouvés se sont généralisés, la géomorphologie des sols – c’est-à-dire l’analyse fine de prélèvements de sol faits sur le terrain – est utilisée, tout comme les recherches à partir de l’ADN ancien sur les squelettes, afin de mieux analyser les anciennes populations.
Contrairement à ce qu’on imagine, les collections des musées participent également au renouveau des connaissances en archéologie, en effectuant des recherches sur des collections parfois très connues mais dont on renouvelle les méthodes d’études.
Cas n°1 : les faux du Forum antique de Bavay
Suite à la demande toujours plus accrue d’antiquités, les habitants de Bavay se mirent à proposer aux collectionneurs qui venaient les voir toutes sortes d’objets, et la tentation de créer des « faux » antiques est vite arrivée. Le musée du Forum antique de Bavay a entrepris depuis plusieurs années un recensement de ces pièces, et a procédé à de nombreuses études combinant analyses du métal et rapprochement stylistique, afin d’en établir un catalogue. C’est ainsi qu’on a pu s’apercevoir que certaines pièces ont même été moulées sur des statuettes antiques afin de créer des copies en métal. Cette histoire des faux a été mise en lumière par les recherches et les travaux sur les collections, pan scientifique de tout musée d’archéologie.


Diane chasseresse, Douai, musée Arkéos, A.563 et A.564, ancienne collection Carlier (curé de Bavay entre 1775 à 1818), dépôts du Musée de la Chartreuse de Douai. © Arkéos Musée – Parc archéologique.
Cas n°2 : faire parler les morts à Vendeuil-Caply
Lors de la construction du musée archéologique de l’Oise, un cimetière proto-mérovingien a été mis au jour. Plus d’une centaine de tombes, contenant parfois de très beaux objets (seau finement travaillé, bijoux en or, épée), ont été trouvées. Récemment, un chantier des collections s’est intéressé aux squelettes retrouvés à cette occasion : il a fallu les changer de conditionnement, et reprendre du même coup les études anthropologiques sur cette population. Une étude d’ADN ancien a ainsi pu établir de nouveaux éléments. Dans cette population, ce sont surtout les femmes qui sont d’origine étrangère (population germanique) alors que les hommes semblent être d’origine plus locale. Cela traduit donc une adoption de nouvelles mœurs et coutumes par les gallo-romains aux tournants des 4e-5e siècles et va à l’encontre de ce qu’on imaginait, à savoir une arrivée massive de nouvelles populations qui remplaceraient les populations locales (les fameuses « invasions barbares »). Cette étude montre qu’il convient de nuancer fortement cette image et que la transition fut certainement plus progressive que ne le suggèrent les images classiques de la période.

Crâne provenant de la sépulture féminine n°44 présentant une déformation artificielle antéropostérieure oblique. © Musée archéologique de l’Oise – CCOP.



Valérie Kozlowski et Véronique Beirnaert-Mary